Henri Cernuschi, un collectionneur au temps du japonisme

L’exposition Retour d’Asie, présentée du 6 octobre 2023 au 4 février 2024, convie les visiteurs à suivre les pas d’Henri Cernuschi, depuis son voyage en Extrême-Orient jusqu’à son retour à Paris où il crée l’un des tout premiers musées d’art asiatique. Cette exposition proposée à l’occasion de la célébration du 150ème anniversaire du retour d’Asie d’Henri Cernuschi invite à découvrir, ou redécouvrir, l’itinéraire du voyageur et collectionneur dont la contribution novatrice a permis de faire éclater en Europe la révolution du goût connue sous le nom de japonisme.

Le musée des arts de l’Asie de la Ville de Paris est né de la volonté d’un personnage hors du commun, Henri Cernuschi (1821-1896). Familier de Léon Gambetta, d’Émile Zola aussi bien que de Sarah Bernhardt ou d’Edmond de Goncourt, Cernuschi est une figure marquante du Paris intellectuel et artistique de la fin du XIXe siècle. Exilé en France pour des raisons politiques, l’homme d’origine italienne aux engagements républicains est aussi un économiste et financier célèbre pour ses théories monétaires. Aujourd’hui, Henri Cernuschi est principalement connu à travers le prisme des arts asiatiques. Ses découvertes et nombreuses acquisitions réalisées tout au long de son parcours depuis le Japon, la Chine, puis l’Indonésie, Ceylan et l’Inde l’inciteront à constituer l’une des plus importantes collections européennes d’art asiatique de son temps et à fonder le musée qui porte son nom, dont le rayonnement se prolonge jusqu’à aujourd’hui. De 1871 à 1873, ce sont près de 5 000 œuvres d’art – bronzes, céramiques, peintures, estampes, objets en bois laqué et sculpté, photographies ou livres illustrés – qui voguent sur les océans jusqu’à Paris. Les objets d’art chinois et japonais qu’il a rassemblés exercent immédiatement une fascination considérable sur les artistes et artisans de l’époque, et deviennent des modèles pour toute une génération de créateurs en Europe. Parallèlement, Cernuschi achève son œuvre en créant pour sa collection un écrin unique. Son musée, pensé comme un temple des arts asiatiques, devient un des hauts lieux du japonisme parisien… Nouveauté à l’occasion de cet anniversaire, les collections permanentes du musée dévoilent dès cet été des dragons sculptés japonais restaurés qui n’ont pas été exposés dans leur intégralité depuis 1930.

Musée chinois et japonais de M. Cernuschi, 1880 © Paris Musées / Musée Cernuschi

L’année même où Jules Verne publie Le Tour du monde en 80 jours, Henri Cernuschi découvre l’Asie, véritable but d’un voyage autour du monde entrepris en compagnie de Théodore Duret (1838-1927), critique d’art, compagnon de route des impressionnistes, journaliste et écrivain français. Après avoir traversé le continent américain et l’océan Pacifique, Henri Cernuschi aborde le Japon, avant de gagner la Chine, puis l’Indonésie, Ceylan et l’Inde. Le collectionneur est marqué par la richesse artistique des pays qu’il visite. Tout au long de son séjour en Asie d’octobre 1871 à décembre 1872, Henri Cernuschi acquiert plusieurs milliers d’objets sur les marchés de l’art japonais et chinois, en particulier des bronzes, dont il est le premier à comprendre la valeur ; mais également des céramiques, des estampes, des livres illustrés, des peintures, des photographies et des objets en bois laqué et sculpté. Ce voyage est à l’origine d’une des plus importantes collections d’art asiatique en Europe. Il est illustré dans la première section du parcours de l’exposition par la présentation d’une sélection de chefs-d’œuvre japonais et chinois du fonds Cernuschi.

D’après Du Jin (actif de 1465 à 1505), Poètes et immortels. Dynastie Ming (1368-1644), Chine. Encre et couleurs sur papier. H.38,6 cm ; L.53,55 cm. M.C. 4655. Legs Henri Cernuschi, 1896 © Paris Musées / Musée Cernuschi

De retour à Paris, Henri Cernuschi expose immédiatement ses trésors au public. Un très grand nombre d’objets de sa collection sont présentés à l’occasion de manifestations publiques telles l’exposition de 1873 au palais de l’Industrie, l’exposition rétrospective du métal en 1880 et l’exposition rétrospective de l’art japonais en 1883. Ses œuvres chinoises et japonaises sont bientôt perçues par les artistes et les artisans de l’époque comme Gustave Moreau (1826-1898) ou Émile Reiber (1826-1893), directeur des ateliers de dessin de la maison Christofle, comme d’extraordinaires sources d’inspiration. Le répertoire des formes et des motifs, l’innovation technique des pièces de la collection Cernuschi, deviennent des modèles pour toute une génération de   influence considérable se prolongera jusqu’aux premières décennies du XXe siècle, comme l’atteste la production du sculpteur animalier François Pompon (1855-1933).

Page d’album de surimono (détail). Époque Edo (1603-1868), Japon. Encre et couleurs sur papier. H.36,4 cm ; L.31,6 cm ; P.13,5 cm (album). M.C. 4765. Legs Henri Cernuschi, 1896 © Paris Musées / Musée Cernuschi

Fidèle à ses intuitions visionnaires, Henri Cernuschi fait ériger en 1875 un hôtel particulier pensé dès l’origine comme un espace muséal, dans un quartier récemment aménagé à proximité du parc Monceau. Vivant entouré de ses collections et accueillant les artistes et les amateurs d’art asiatique, Cernuschi fait de sa « maison musée » l’un des hauts lieux du japonisme jusqu’à sa mort en 1896. Il lègue son hôtel particulier et ses collections à la Ville de Paris, pour devenir le musée des arts de l’Asie de la Ville de Paris, qui ouvrira au public en 1898.

 

Henri Cernuschi, un collectionneur au temps du japonisme 
Jusqu’au 04 Février 2024
Musée Cernuschi
Musée des arts de l’Asie
de la Ville de Paris
7, avenue Vélasquez – 75008 Paris
www.cernuschi.paris.fr