Arlequine, le nouvel alum de THe rodeo arrive le 17 février
Sous l’anagramme The Rodeo, Dorothée a parcouru depuis 2010 et en trois albums de vastes territoires musicaux, des grands espaces de la country-folk américaine (Music Maelström, 2010) aux studios boisés de la pop française « de qualité » des années 1970-1980 (Thérianthropie Paradis, 2018), croisant sur son chemin les girls bands de la Motown et de Phil Spector, ou, à un carrefour, le fantôme de Robert Johnson (La Musica Del Diavolo, 2015). Parallèlement à ces voyages musicaux, l’autrice-compositrice-interprète explorait ses paysages intérieurs avec une acuité grandissante, dessinant au fil des albums une discographie en forme d’autoportrait, que ce nouvel Arlequine (Arlequin au féminin, aux consonances proches de son nom de famille) affine et expose aux yeux de tous, avec l’assurance de ceux qui ne doutent plus.
Après Thérianthropie Paradis (2018) où la belle et la bête fusionnaient en une créature mi-humaine, mi-animale, la chanteuse assumant (en français dans le texte pour la première fois) sa part animale, sauvage, sensuelle, en chansons claires obscures mais toujours ivres de mélodies et d’harmonies, la revoilà précisant les modalités de ses nombreuses métamorphoses. En neuf titres d’une pop française baroque, complexe, enlevée, tubesque, héritée de la chanson française la plus sophistiquée, celle de Michel Legrand, Nino Ferrer, France Gall ou Françoise Hardy, et fidèle à ses amours anglo-saxonnes (Karen Dalton, Margo Kuryan, Blonde Redhead, Divine Comedy), Dorothée-The Rodeo s’affirme en femme multiple, multi-facettes, multicolore, artiste de scène autant qu’artiste d’elle-même, moins victime des apparences que désormais jouant avec elles, changeant de peau comme de registre, grave ou légère, serpentine ou costumière, geisha en posture de karatéka.
Désormais assurée de présenter un portrait fidèle d’elle-même, elle apparaît sur Arlequine en figure féminine de résilience, de courage et de dépassement, surmontant les épreuves (ici une rupture, l’isolement du confinement, la charge d’une carrière menée seule de bout en bout) et sublimant l’existence par le chant, la représentation de soi, la projection vers d’autres que soi. « Je est un autre », disait le poète. Et voilà Dorothée jouant la femme jalouse sur La Coupe est pleine, d’une voix haute et enfantine, façon Jeannette, sur des notes mineures menaçantes, ou sombrant dans les gouffres de la déception et de la dépression (Sur Courir Courir Courir), mais toujours portée par des envolées orchestrales qui l’aident à reprendre son souffle (sur Titanic, symphonie d’un naufrage amoureux), annonçant la nécessité de se réinventer pour survivre. Ici, c’est la lumière des mélodies, la puissance des refrains et les incessants changements de rythmes, de tonalités et d’humeurs qui ouvrent l’espace des possibles, autant musicaux qu’existentiels. Avec ses musiciens et amis fidèles, tous impliqués dans la réalisation de l’album – Jérôme Laperruque à la basse, Antoine Kerninon à la batterie, Mathieu Geghre aux claviers et Laurent Blot à la guitare – The Rodeo conjugue mélancolie et évidence mélodique, colère et densité orchestrale, deuil et idéal pop en chansons toujours ambivalentes, soufflant le chaud et le froid en renversements d’accords fatals, mesures composées intempestives, écrins de cordes sinueuses.
Mixé par Dimitri Dedonder et Clément Roussel, Arlequine apparaît comme le reflet inversé de Thérianthropie Paradis (qui progressait de la légèreté vers la mélancolie) débutant par les abysses pour remonter vers le bleu du ciel, à travers une «revenge-song» orientalisante (Vallée de Siddim), blues-rock de lanceuse de sorts, ou dans une célébration épique de la puissance sexuelle féminine, sur le finale Les Orgues. Au milieu, un Hymne à la moue electro-pop et éthéré, composé par Jean-Philippe Verdin (Ready Made FC) et Jil Caplan, ou un bain de soleil bossa dans la baie de Rio (Praia Vermelha) colorent d’un peu plus de nuances ce portrait foisonnant et vivifiant d’une «femme aguerrie amusée (…), femme guerrière maquillée» (Arlequine), renaissante.
Album Arlequine (Claro Oscuro / Modulor) Sortie physique et digitale le 17 février 2023
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