HORTUS CONCLUSUS TULIPA de Ronald van der Hilst par Alexandre Helwani

Au cœur des rues rigoureuses du centre-ville d’Anvers se trouve un enclos, image sensible d’une nature idéale réalisant la promesse des jardins dont les contours étaient déjà tracés dans la Bible. Cet « hortus conclusus » où poussent des centaines de plantes fragrantes est le fruit du labeur de Ronald van der Hilst, architecte-paysagiste renommé, notamment, pour son travail autour des tulipes dont il est un des rares experts mondiaux.

À Mechelseplein, adossé à l’église Sint Joris où quatre siècles auparavant les fidèles s’amassaient pour assister à la bénédiction des tulipes, l’Hortus Conclusus de Ronald van der Hilst déploie un éventail mirifique de couleurs et de senteurs paradisiaques rythmées par une voie d’eau, la « source de vie » mystique reliant l’olivier de la paix aux bordures de cyprès dont la verticalité symbolisait, dans l’Antiquité, l’union des hommes et des dieux.

Au printemps, ce sont près de cinq-mille tulipes odorantes qui y éclosent et empourprent l’air de leur fragrance rare et oubliée : rare car moins d’1% des tulipes sont odorantes, oubliée car nous avons plus souvent, ou exclusivement, été exposés aux 99% restants. À ce concert de notes formidablement vertes et cireuses, se joignent les parfums des autres plantes qui rythment la déambulation dans l’Hortus : sureau, figuier, bois sombres et pollens multiples.

 

Afin de retranscrire ces impressions olfactives, Ronald van der Hilst s’est associé à Laura de Coninck peintre et parfumeur anversoise connue pour l’iconoclasme de ses installations d’art olfactif pour lesquelles elle a analysé et reproduit l’odeur des larmes ou encore du lait maternel. Pour capturer au mieux l’odeur des tulipes poussant dans l’Hortus Conclusus, Laura de Coninck s’est appuyée sur le travail révolutionnaire du Dr. Roman Kaiser, ancien chimiste chez Givaudan et inventeur du headspace, une technologie permettant d’encapsuler l’odeur du vivant d’une manière non invasive, respectueuse des écosystèmes et n’impliquant aucune distillation, garantissant ainsi un rendu olfactif identique à celui du sujet dans son habitat naturel. Au fil de ses nombreux voyages en montgolfière à travers le monde, Roman Kaiser a documenté l’odeur d’une vaste palette de plantes rares et en voie de disparation, au rang desquelles la Tulipa sylvestris, une variété de tulipe particulièrement odorante et poussant, par une coïncidence fortuite, dans le jardin de Ronald van der Hilst.

Sous l’égide de Sonia Constant, parfumeur senior chez Givaudan, Laura de Coninck a méticuleusement construit l’essence de ce jardin enclos, ancrant sa composition sur une dyade inédite de Tulipe et de Sureau, piochant certains ingrédients dans le registre botanique de Ronald van der Hilst tout en le modernisant savamment pour éviter qu’il ne devienne un ersatz de potion herbacée. Tout au contraire, c’est un parfum d’une transparence et d’un éclat indéniables qui s’exprime au porter, organisé de telle sorte qu’aucun ingrédient n’obscurcisse les autres à la manière d’un jardin où les essences croissent harmonieusement, chacune saisissant et accompagnant le regard à mesure qu’il en parcoure l’étendue.

Le floral verdescent de la Tulipe scintille d’emblée, un vert fruité et sucré soutenu par le vert-tige et âpre d’un accord de feuille de figuier exhibant un semblant de fraîcheur menthée. Cette bouffe printanière, évoquant parfaitement l’odeur d’un parterre de tulipes avec tout ce qu’il exhale de plus diaphane, se réchauffe en dégradés de Miel et de Sureau doublés de la chaleur diffuse et fruitée du Safran avant de s’allonger sur un fond ligneux de Vétiver et de Patchouli. Dense et complexe, le parfum se drape néanmoins d’une dose généreuse d’Ambroxan pour en délier le sillage et se donner un air résolument contemporain.

L’unique tulipe qui vaille d’être portée sur soi.

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