Vanilla Powder, le nouvel opus d’Aurélien Guichard

Après s’être attaqué à l’une des épices emblématiques de la parfumerie orientale (Crystal Saffron) Aurélien Guichard poursuit son exploration-déconstruction des matières premières avec une étude autour de la vanille, exercice d’autant plus périlleux qu’il est incontournable pour tous les parfumeurs car, depuis la synthèse de la vanilline en 1874, l’arôme de cette gousse exotique est devenu indissociable de l’histoire de la parfumerie, le site Fragrantica référençant plus de vingt-mille parfums centrés autour de la vanille ou la revendiquant comme ingrédient majeur.

Périlleux, l’exercice l’est aussi par l’attrait métaculturel de la vanille, lequel a été prouvé lors d’une étude menée en 2022 au cours de laquelle dix groupes issus de contextes géographiques, culturels et socio-économiques radicalement différents ont élu la vanilline comme étant leur odeur préférée parmi un assortiment de dix molécules.

Périlleux, l’exercice l’est enfin par la complexité de la matière naturelle. Une analyse chromatographique datée de 2006 a répertorié soixante-cinq composés aromatiques différents dans un extrait de vanille planifolia tandis qu’une étude menée en 2012 a démontré l’influence du terroir et des méthodes de culture sur le bouquet aromatique du produit final, expliquant les nombreuses variations aromatiques observées d’une variété à l’autre – la cave à vanilles d’Olivier Roellinger en compte d’ailleurs plus de seize origines.

Pour ce nouvel opus, Aurélien Guichard s’est appuyé sur une Absolue de Vanille provenant de Madagascar dont le profil olfactif généralement s’encanaille de nuances de fruits confits et de notes un poil animales. Sourde en elle-même quoique dense et texturée, l’Absolue ici se trouve réveillée par une Essence de Palo Santo, choix judicieux puisque les lactones et verts alcools de ce dernier se raccrochent à ceux présents dans la vanille. Lorsqu’il parle de verticalité s’agissant du Palo Santo, Guichard ne s’y trompe donc pas : son profil boisé, vif et généreux, assèche autant qu’il étire, souligne autant qu’il sublime, cet amassement de molécules lourdes – les lactones et les phénols – qui sont parties constitutives de l’odeur de la vanille.

Vanilla Powder semble ainsi diffracter la matière et tuiler ses effets : le lacté du palo santo annonce les lactones de la vanille tandis que cette dernière prolonge le boisé du premier ; un effet boisé-ambré s’accroche à la vanilline et l’expanse tandis qu’elle réchauffe et densifie les muscs blancs, à moins que ce ne soient eux qui, par leur volume et leur clarté, allègent et illuminent ces naturels intenses et ambivalents. Aussi linéaire que ce parfum puisse paraître au premier abord, il révèle au fil des portés un savant et dynamique jeu de ping-pong moléculaire.

Plus que tout, et fidèle à sa patte déclinée dans chaque création de Matière Première, Aurélien Guichard réussit à faire de Vanilla Powder une vanille contemporaine, reprenant les codes d’une parfumerie actuelle au sillage conséquent, tout en faisant référence, volontairement ou non, aux premiers parfums vanillés, massés d’effets poudrés et piqués de santal, ce bois, sacré aussi, lactonique aussi, à bien des égards un proto-palo santo.

Il en ressort donc une création dans l’air du temps, élégante mais non pompeuse, ciselée sans être illisible, au sillage confortable et réconfortant. Une vanille poudrée certes, mais poudreuse surtout – blanche presque, légère, idéale capeline d’hiver, annonciatrice de jours de liesse.

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