Tout cela forme un ensemble, l’exposition de la 4ème édition du Prix 1% marché de l’Art

Initié par la Ville de Paris et le Crédit Municipal en 2018, le Prix 1 % marché de l’art est un dispositif de soutien à la création artistique à destination des artistes évoluant dans le champ des arts visuels. Le Crédit Municipal de Paris y consacre 1% du chiffre d’affaires annuel de ses 80 ventes aux enchères, ouvrant ainsi à l’art contemporain une politique de mécénatdurable. Une fois produites, la Ville de Paris expose dans un cadre prestigieux les œuvres lauréates retenues par le jury de personnalités qualifiées qu’elle convoque

L’exposition des œuvres de la 4e édition du Prix prend cette année une tonalité particulière à l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Quand Pierre de Coubertin relance les Jeux Olympiques de l’ère moderne, il conserve la vision d’une émulation commune des corps et des esprits. Alors que la ville lumière s’apprête de nouveau à accueillir et célébrer les Jeux, l’idéal olympique originel nous invite à mettre en perspective les sports et les arts d’aujourd’hui.

C’est le défi qu’ont relevé les cinq artistes de cette 4e édition du Prix 1 % marché de l’art, consacrée au corps cultivé par l’effort ou glorifié jusqu’à l’absurde, dans son alliance avec l’esprit, parfois moqueur et tendre, parfois affûté par l’extrême concentration. Engagé dans les relations intimement nouées entre les formes et les sons, Dominique Blais propose une immersion contemplative auprès de sportifs en pleine action, hypnotisés par la ritournelle machinale de la corde à sauter. Avec l’humour et le sens de la dérision qui les caractérisent, Mazaccio & Drowilal exploitent et empilent les clichés de la pop culture, de l’imagerie de bazar et des prouesses héroïques de célébrités starisées pour déconstruire le formatage induit par la surabondance des lieux communs. Les statues imaginées par Hoël Duret parasitent les canons de perfection physique édictés par l’histoire de l’art : hybridée par la technologie contemporaine, la sculpture rend ici sensible l’alliance entre machine et humanité qui caractérise la modernité. Dans un geste de reconstitution propre à la performance en arts visuels, Pauline Bastard invite des usagères de services publics à s’approprier et à détourner, avec les moyens du bord, les codes et chorégraphies des cérémonies marquantes de l’histoire des Jeux. Lorraine Féline pose le regard de sa caméra sur la main, outil primordial prolongeant le corps et l’esprit, pour en révéler l’ambiguïté fondamentale : menace ou étreinte, sans doute un peu des deux, le geste devient une chorégraphie à double tranchant ; les silhouettes à peine tracées reflètent quant à elles un vide en attente d’incarnation. Sans conteste, les vocabulaires employés par les différents artistes composent un panorama représentatif de notre époque, de ses envies et de ses doutes, sur l’art comme sur le sport – et tout cela forme un ensemble.

 

DOMINIQUE BLAIS
Les Boucles sifflantes

« Le projet des Boucles sifflantes est né il y a quelques années après avoir observé des athlètes pratiquer la corde à sauter dans le kiosque à musique du parc Montsouris, à deux pas de mon atelier à Paris. Mon regard et mon esprit étaient totalement captivés par ces hommes et ces femmes comme enfermés à l’intérieur d’une sphère invisible définie par le mouvement régulier et répétitif de leurs cordes. Pour Les Boucles sifflantes, j’ai souhaité insuffler cette dimension sérielle et minimalisteau sein d’un dispositif visuel et sonore. L’œuvre est une orchestration d’images et de sons qui se superposent et se (dé)synchronisent en permanence. L’endurance des personnes filmées est un aspect important : elle révèle la dimension hypnotique et captivante que je souhaitais apporter. Les gestes simples combinés aux sauts pour activer corps et cordes sont répétés dans de longues séquences – comme si ces instantssemblaient se jouer à l’infini. »

 

MAZACCIO & DROWILAL
Rise and fall

« À travers diverses séries photographiques, livres d’artistes et installations, nous effectuons des allers-retours permanents entre la photographie et ce que l’on pourrait nommer la para-photographie : l’utilisation et le détournement d’images, d’objets photographiques ou d’interfaces contextualisant la photographie. Nous nous intéressons à ce qui constitue la toile de fond de nos vies : les images produites par la société de consommation et de divertissement, leur abondance et leurs modes de diffusion. Le sport, de par sa photogénie, son pouvoir de captation de l’attention et les affects qu’il génère, est au centre de nos préoccupations esthétiques. L’installation hybride présentée dans cette exposition comprend des photos-objets, des peintures, des collages, des tapis de yoga et un journal. Ces œuvres questionnent de manière décalée la fabrication des icônes, les stratégies de visibilité et d’images de marque liées à l’économie du sport, ainsi que la quête du bien-être et de la performance. »

 

HOËL DURET
Workload, Molded/Molted #1 & #2, Deflect #1, #2 & #3

« Ma montre connectée m’indique que j’ai brûlé 347 kcal lors de mon footing matinal ; résultat honnête, j’en suis très satisfait. Je n’ai pourtant aucune idée de ce que cela signifie et aucune envie de m’y intéresser. Ni de lire le mode d’emploi de cet artéfact. En fait, j’ai constamment le sentiment que l’on me propose tellement d’outils à même d’expliciter le monde, de me le mettre à plat, que mon incompréhension va, paradoxalement, grandissant. Alors, comme tout humain désemparé, je me barde de capteurs, j’observe mes courbes de résultats, je lis des recos, regarde des tutos, partage mes stats. Je me réjouis de mes perfs tant sportives que médicales : workload, BMI, RHR1, YDP, RANK, KCal… Et puis, je finis par nourrir mes machines de ces datas qui les digèrent lentement… quelle fatigue. Les œuvres exposées utilisent des données physiologiques de personnes exerçant une activité sportive afin de rendre, à l’encontre de la statuaire classique, une image de l’athlète par la data. »

 

PAULINE BASTARD
La cérémonie des cérémonies

« Le film est la remise en scène d’une cérémonie d’ouverture de Jeux Olympiques, à l’échelle d’un quartier. Il reprend des costumes et des sons des cérémonies des Jeux passés, et prend place dans plusieurs centres sportifs de Paris. Tout au long de l’année 2023, j’ai réuni autour de ce projet des publics des centres sociaux, un club de couture, un atelier d’éloquence, les enfants d’un centre de loisir, des animateurs de la Ville de Paris… Certains gardiens de gymnases se sont également prêtés au jeu. Chacune et chacun a participé aux costumes, aux essayages, à la figuration. Gondoba, Nana et Mariama sont déguisées en mascotte des Jeux de Moscou 80. Un groupe de fous aux couleurs olympiques applaudit avec des grelots : ce sont les dames du club de couture ; leurs costumes sont issus de la cérémonie des Jeux d’Atlanta 1996. Une équipe d’enfants se roule par terre dans une chorégraphie et des survêtements inspirés des Jeux de Lillehammer 1994. Un géant de paille nous regarde avec son grand visage inspiré des costumes traditionnels des Jeux de Nagano 1998. »

 

LORRAINE FELINE
La main vide

Le titre de cette vidéo, La main vide, est issu de l’étymologie du mot karaté, composé des mots japonais kara (« vide ») et te (« la main »). Tournée au sein d’un club de karaté parisien du 13e arrondissement de Paris, la vidéo suit l’entrainement de karatekas. Le regard se pose sur leur apprentissage, sur le perfectionnement de leur technique, sur la précision et la maîtrise du geste, ce qui fait qu’il est juste, bien placé. La caméra capte sur le vif ces mouvements et gestes, isolés ou qui se croisent avec d’autres, formant comme une chorégraphie. La projection est accompagnée de dessins à l’encre de Chine de silhouettes, qui évoquent également pour l’artiste des sensations ou des gestes, plutôt que de seules figures humaines. Tracés de façon calligraphique et spontanée, à main levée, ils sont une production caractéristique et régulière de l’artiste dans son atelier.

 

Tout cela forme un ensemble
Jusqu’au
12 novembre 2023
Salle Saint-Jean – Hôtel de
5, rue de Lobau
75004 Paris
Entrée gratuite
www.paris.fr/unpourcentmarchedelart

 

Crédit photo: Pauline Bastard, La cérémonie des cérémonies, 2023.