
OH NON : Fantasmagories sonores pour époque éclatée
Il faut peu de temps pour comprendre qu’OH NON n’est pas un groupe à “pitch” facile. Trop libre pour la chanson, trop littéraire pour le rock, trop organique pour l’électro. Pourtant, ce quintette installé à Paris (dont le premier EP éponyme sorti en juin 2024) fait vibrer quelque chose de profondément familier dans le paysage musical français : une tension vivace entre le chaos et le contrôle, entre l’intime et le théâtre, entre le cri et la caresse.
Formé fin 2021 autour de la chanteuse et autrice Diane et du multi-instrumentiste et réalisateur Téo (ex-Flux), OH NON grandit comme on monte un collage sonore. Leurs six morceaux inauguraux sont traversés par une urgence à dire, à chanter, à déconstruire le réel par le jeu, la distorsion, le lyrisme désaxé. Les filles des films, premier single accompagné d’un clip burlesque et acidulé, donne le ton : un regard oblique sur les codes genrés, servi par une pop dissonante et cabossée, qui n’a pas peur du mauvais goût ni de la douceur excessive.
La musique d’OH NON ne s’écoute pas : elle se traverse. Guitares hargneuses, claviers instables, batterie frénétique, saxophone fou : le tout tissé autour d’une voix capable de passer d’un murmure désabusé à une incantation viscérale. Il y a là des traces du post-punk anglais (The Slits, The Raincoats), des affinités évidentes avec la chanson radicale (Brigitte Fontaine, Vian, Arlt), et un amour de la pop lo-fi qui rappelle parfois Stéréo Total ou les débuts de Fischerspooner. Mais c’est moins la citation que le geste qui compte : OH NON compose une musique de la faille, de l’entre-deux, où les textures sonores sont aussi importantes que les mots, et où chaque morceau semble tenir en équilibre sur une forme d’instabilité volontaire.
Depuis 2023, OH NON a construit son audience sur scène, en France et en Europe, avec des concerts fougueux et sans format, de La Maroquinerie à Berlin, de La Boule Noire à Zurich. Le groupe y teste ses compositions comme un matériau plastique, modulable et vivant. Rien n’est figé : un cri peut remplacer une ligne mélodique, un solo de saxophone peut devenir rythmique, un morceau peut se déformer selon l’énergie du public. La scène devient alors le lieu d’une recomposition constante, à l’image de leur soirée du 30 janvier 2024 à La Marbrerie (Montreuil) : un cabaret brutaliste mêlant concerts, performances burlesques, expositions et scénographie d’un autre monde. C’est ici que le projet trouve toute sa cohérence : dans la rencontre du son, du corps et du regard.
OH NON ne propose pas seulement des chansons : iels façonnent une forme de récit éclaté, où l’ironie douce côtoie l’absurde, où la naïveté se teinte d’un réalisme féroce. Le français y est central, mais jamais figé : il est parlé, scandé, griffonné, parfois presque délité. Ce refus de la linéarité fait de leur musique une sorte de théâtre sonore désenchanté, mais vibrant. Avec un nouveau single, « Caïman » et un album en gestation, OH NON prend place dans une scène émergente qui repense les formats, les circuits, les langages. À l’heure où la musique française est souvent sommée de choisir entre efficacité et auteurisme, ce groupe offre une troisième voie : celle du trouble, de l’excès et de la beauté sans filtre.
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