La Piscine A L’HEURE ANGLAISE

UN AUTOMNE ANGLAIS A LA PISCINE

Profondément marquée par son rapport à l’Angleterre, la ville de Roubaix a développé, depuis le début du XIXe siècle, un modèle social, économique et culturel singulier dans le paysage français. Cette identité originale n’a pas épargné l’histoire et la personnalité du musée qui reste très empreint de l’action de Victor Champier, son directeur au début du XXe siècle. L’influence des convictions Arts & Crafts y est si flagrante qu’il semblait naturel de rendre hommage à l’initiateur des théories de l’art dans tout et de l’art pour tous. William Morris est donc, le temps d’un automne anglais inédit, l’invité d’honneur et le guide exceptionnel de La Piscine.

William Morris

Jamais présenté en France, l’œuvre du visionnaire William Morris (1834-1896) a fortement marqué son époque en théorisant une utopie sociale, politique, écologique et artistique et en posant les bases de ce qu’on nommera plus tard les Arts & Crafts, qui défendent l’art dans tout et pour tous en réaction à l’industrialisation et à la déshumanisation des savoir-faire artisanaux. Designer textile, écrivain, poète, peintre, dessinateur, architecte, fabricant, militant socialiste, écologiste et incroyable théoricien, William Morris a développé un œuvre complexe et a milité pour que l’on considère d’une nouvelle manière l’art et l’artisanat, mais aussi les artistes et les artisans de l’Angleterre victorienne de la fin du XIXe siècle, marquée par l’apparition d’une société industrielle. Il est célèbre à la fois pour ses œuvres littéraires, son engagement politique socialiste, son travail d’édition et ses créations dans le domaine des arts décoratifs qui ont fortement influencé les artistes et les arts appliqués jusqu’à nos jours.

William Morris

Roubaix à l’heure anglaise 1840-1968

Lors de son expansion au XIXe siècle, Roubaix n’a qu’un modèle : l’industrie textile anglaise. Des années 1840, quand les pères fondateurs des entreprises roubaisiennes développent l’échelle de leurs productions, à l’année 1968, date du jumelage de Bradford avec Roubaix, se joue une multitude d’échanges. L’univers textile concentre l’essentiel des allers-retours. Installations d’entreprises britanniques à Roubaix, échanges de modèles de tissus et questions de l’approvisionnement en laine dans le Commonwealth… En 1908, l’Exposition franco-britannique de Londres, nombre de Roubaisiens sont distingués, en 1911, l’Exposition internationale à Roubaix est couronnée par la présence de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Entre 1920 et 1968, ces échanges continueront, et seront marqués par la visite d’État de la reine Elizabeth II en 1957. Autour du textile, la question des modèles sociaux liés à l’industrie est également débattue à Roubaix, tout comme celle des formations à l’ENSAIT et des modèles pédagogiques anglais. La diplomatie, le sport, la musique sont aussi au rendez-vous. Roubaix, une Manchester française 

11 avril 1957, la reine Elizabeth II signant le livre d’or de la ville avec le maire Victor Provo. (Nord Eclair)

Roubaix Save the Queen : Le Royaume-Uni dans les collections de La Piscine

Dans le cadre de cet automne anglais à La Piscine, Roubaix Save the Queen propose une libre déambulation parmi des œuvres qui, chacune à leur manière, témoignent du rayonnement britannique. Pour ce faire, l’exposition a puisé dans les collections et les réserves du musée La Piscine, en croisant critères et logiques, et sans souci d’exhaustivité. Il s’agit d’esquisser, par touches, les contours d’une culture qui tire son dynamisme de sa capacité à tenir en équilibre affirmation de soi et intégration constante d’apports nouveaux. Composite de par son histoire, elle est parvenue en effet à donner corps à la notion commune de britishness – tout particulièrement aux XIXe et XXe siècles, lorsque l’Empire britannique dominait le monde. Par ailleurs, le Royaume-Uni doit à son caractère insulaire d’avoir développé ses traditions artistiques de manière indépendante et singulière, tout en accueillant les influences véhiculées par ses liens avec l’Europe continentale. Dans la salle d’introduction et le couloir sont rassemblées des peintures, sculptures et céramiques d’époques et de courants divers, créés par des artistes britanniques ou français. Elles illustrent la fécondité des traditions artistiques du Royaume-Uni et l’admiration mutuelle que se sont portée les artistes de part et d’autre de la Manche. Dans les anciennes cabines de douche, des oeuvres textiles traduisent l’influence du goût anglais. La révolution industrielle a en effet permis la diffusion de tissus et d’imprimés traditionnellement associés au vestiaire britannique (comme le tartan), importés des colonies (le paisley), ou encore créés par des dessinateurs de renom (tels ceux produits par la maison Liberty). Cet aperçu des motifs devenus emblématiques du Royaume-Uni est complété par quelques clins d’oeil à la mode britannique, apte comme nulle autre à renouveler ses traditions en leur insufflant fantaisie et insolence.

On est mort de rire de Gilles Fromonteil (2016) Porcelaine de Limoges. Photo : A. Leprince

Un automne anglais à La Piscine
Expositions jusqu’au 8 janvier 2023
La Piscine
www.roubaix-lapiscine.com