Laurent signe son grand retour

S’il est vrai que Paris est la ville des belles tables et que les belles tables y font la ville, il en est quelques-unes qui le sont un peu plus et la font un peu mieux. On dit d’elles qu’elles sont des légendes.

Elles en ont le parfum et ce petit génie à traverser le temps comme le miroir. Laurent du côté de ces rares élues. Au livre d’or de la vie parisienne, son nom file aux premières pages, aux premières lignes. Lignes fleuries, parfumées depuis que les Champs-Élysées s’invitent au jardin du carré Marigny. Lignes heureuses, légères, enchantées à partager le joli conte d’un relais de chasse fétiche de Louis XIV devenu folle guinguette à la Révolution puis café du Cirque avant, un siècle durant, de faire galoper le tout Paris mondain et de régaler la planète aux étoiles d’un de ces grands restaurants dont ce très cher VIIIème arrondissement avait le chic et le goût. Drôle de valse longtemps prolongée. Celle d’une table à mémoire, d’une table dans l’histoire qui, un certain soir, s’effaça tendrement comme parfois les stars. Ces dernières saisons, l’envie était trop forte, l’occasion trop belle. L’adresse s’impatientait de tourner les pages inédites d’une reprise tant attendue. Promesse tenue en septembre 2023 avec, pour en signer l’audace, le duo Laurent de Gourcuff, et le groupe Paris Society, associé au grand chef Mathieu Pacaud. Les lieux se découvrent une nouvelle énergie, l’appétit un nouvel élan, Laurent signe son grand retour puisqu’après tout, il n’est de légende que vivante.

Sûrement parmi les dix plus beaux de la ville. On l’avait quitté au passé composé, Cordelia de Castellane, Directrice Artistique de Paris Society, nous le rend à l’indicatif présent. Dans sa superbe, sa douce folie, son diable de panache. Une «affaire de cœur » entre la décoratrice et le restaurant. « Beaucoup de souvenirs partagés, beaucoup d’émotions. Le lieu est un chef d’œuvre de ce XIXème échevelé, éclectique, joyeux, précieux. Il convenait surtout de ne rien dénaturer, juste réveiller la féerie, renouer à l’éclat et à la lumière, lui redonner ce goût du bonheur qui est le sien. » Les salles du restaurant, la première intime dans ses façons de salon, la seconde dans la confidence d’un wagon immobile, la troisième spectaculaire à tendre ses colonnades et retrouver, derrière l’estrade, son petit paradis de jardins. Laurent révèle son étoffe, l’ornement reprend toute sa place. Les plafonds à nouveau fiers de leur hauteur, les murs spirituels dans leur pastel, les murs dans le frisson de leur fine peinture, les fers forgés qui ondulent, l’osier qui courbe aux fauteuils, les moquettes soudain flamboyantes. Tout est faste, courbe et privilège. Le grand escalier accompagne, l’étage prolonge aux tours et détours des salons, petits et grands, tous craquants à s’offrir jusqu’aux balcons.

Menu vrai de vrai, complet, opulent, varié, épanoui, ouvert à nous donner le choix, libre à nous le laisser. Mathieu Pacaud compose un modèle du genre. Mieux qu’un appétit, un tempérament à la parisienne avec le sex-appeal canaille, le grand style décomplexé, les produits fiers d’être nobles. Voilà que la gourmandise n’est plus un mot honteux et trouve tous les mets pour se dire. Les amuses-gueules, les terrines du moment, les marinades, les potages, les hors d’œuvres, les poissons et viandes, le train de la rôtisserie, les fromages et desserts en chariots. À chaque plat, une touche, un style, la rencontre parfaite entre le grand chef et la belle table.

Crudités à l’aïoli soufflé, Saumon fumé en aspic de baies roses, Artichauts poivrade et grecque à la coriandre, Velouté de poivron à l’émulsion de verveine, Brioche mousseline au caviar Golden, Cabillaud confit sauce vierge, Filet au poivre, Gigot d’agneau de lait à la moelle et marjolaine, Sole meunière beurre de sarrasin, on en passe qu’on est sûrement pas prêt d’oublier dont le trio de classiques maisons revus nouvelle vague, incontournable Salade de homard bleu, langoureuses Langous- tines à la feuille de basilic, affriolante Araignée de mer rafraîchie à la gelée de fenouil. Sans oublier l’incroyable chariot révélé au moment du dessert. Quel temps fait-il à la cave ? Grands bordeaux, beaux bourgognes, hautes bulles !

Laurent
41 avenue Gabriel
75008 Paris
www.laurent.paris.com