Des ongles « brillants », mais pas sans risque !

En 10 ans, le secteur de l’ onglerie a connu un essor très important. En 2010-2011, plus de 87 % des salons de manucure déclaraient utiliser une lampe à rayons ultraviolets (UV) (1). Le marché international de l’ongle enregistre une croissance en valeur de 9,5 % et devrait atteindre, en 2024, une valeur de 13 milliards d’euros. De nombreux sites et blogs spécialisés sont apparus sur le web. Partout en France, les instituts spécialisés dans la beauté des ongles et les « bars à ongles » se développent. L’ onglerie compte pour 15 % du marché de l’esthétique (2) et elle touche aujourd’hui tous les âges de 17 à 90 ans.

Parmi les attraits les plus importants de l’onglerie, se trouve le vernis semi-permanent qui a l’avantage sur les vernis classiques d’avoir une durée de pause entre 2 et 3 semaines. Son application nécessite cependant l’usage d’une lampe combinant UV (au moins 48 watts) et diode électroluminescente (LED) pour sécher et fixer chacune des quatre couches de vernis appliquées. Or, ces lampes émettent des rayons UV de type A (UVA), qui pénètrent profondément dans la peau et sont connus pour favoriser le vieillissement mais surtout le développement de cancers de la peau. Le Centre international de recherche sur le cancer a classé les UVA comme cancérogène du groupe 1 (3).

Pour l’année 2022, une synthèse des effets secondaires induits par les vernis semi-permanents en recensait trois types, tous chez des femmes : des réactions cutanées allergiques (66 cas, 70,5%), des atteintes mécaniques des ongles (23 cas, 26,1%) et trois cas de cancers cutanés à type de carcinome épidermoïde induit (3,4%) (4). Le rôle favorisant des lampes UV « à ongles » dans l’induction de ces cancers cutanés était évoqué dès 2009 (5).

Les rayons UVA sont connus pour endommager l’ADN des cellules de la peau en produisant des radicaux libres, qui induisent l’apparition de mutations à l’origine de cancers dans ces cellules. La particularité des UVA est d’induire toujours le même type de mutations. Leur identification dans les cellules des cancers de la peau permet de parler de « signature UVA » des cancers ainsi induits. Une étude expérimentale récente (6) a consisté à appliquer une lampe UV, émettant des UVA et utilisée pour sécher les vernis à ongle, sur trois types de cellules de la peau: des fibroblastes embryonnaires de souris, des fibroblastes et des kératinocytes humains. Cette étude démontre que l’irradiation des trois types de cellules par une lampe UV « à ongles » induit des mutations typiques des UVA. Elle apporte des preuves concrètes sur le risque cancérigène de l’usage de ces lampes en onglerie.

Dans le cadre de l’usage des vernis à ongle semi-permanents, le risque semble avant tout lié à trois facteurs: l’âge jeune de début d’utilisation (en moyenne 20 ans); la fréquence rapprochée des expositions, (moyenne de 5 à 6 fois par an, voire plus avec le développement des lampes à domicile); l’exposition durant plusieurs années. L’effet cumulatif des expositions aux UVA représente le risque majeur. Il peut être aggravé par le terrain (peau claire, immunodépression).

Dans ce contexte, l’Académie nationale de Médecine recommande:
1- D’appliquer une crème solaire avec une protection UVA indiquée, environ 20 minutes avant l’exposition des mains aux lampes UV/LED.
2- D’établir un recensement du nombre d’appareils UV/LED vendus chaque année, afin de pouvoir estimer l’évolution du marché et de joindre obligatoirement à chaque lampe achetée un message écrit d’alerte et de recommandations.
3- De développer des campagnes d’information pour le grand public et les professionnels concernés, soulignant le risque lié à une application continue des vernis semi-permanents dans l’année, en particulier chez les personnes de phototype clair.

4- La réalisation d’études épidémiologiques permettant d’évaluer le risque de carcinome cutané induit par la répétition fréquente de ce type d’irradiations sur une longue durée.

 

Merci à l’Académie nationale de médecine.

 

 

Références
1- Nails Magazine (2012) 2011–2012, Industry Statistics. http://www.nailsmag.com /page/70218/market-research
2- Epidemiology and End Results (SEER) Program (www.seer.cancer.gov) SEER*Stat Database: Incidence—SEER 9 Regs Research Data, Nov 2018 Sub (1975–2016) <Katrina/Rita Population Adjustment> – Linked To County Attributes – Total U.S., 1969–2017 Counties, National Cancer Institute, DCCPS, Surveillance Research Program, released April 2019, based on the November 2018 submission.
3- Classement CIRC https://www.cancer-environnement.fr/fiches/publicationsducirc/classification-des-substances-cancerogenes/
4- Litaiem N. et al. Side effects of gel nail polish: a systematic review, Clinics in Dermatology, 2022; 40: 706–715.
5- MacFarlane D.F. et al., Occurrence of nonmelanoma skin cancers on the hands after UV nail light exposure. Arch Dermatol. 2009; 145: 447–9
6- Zhivagui M et al., DNA damage and somatic mutations in mammalian cells after irradiation with a nail polish dryer, Nature Communications, 2022; 276: 1-14. Published on line : January 17, 2023